Cathares

Au XIIe siècle notre Languedoc possédait la plus avancée des civilisations de l'Occident et intellectuelle­ment les seigneurs du Pays d'Oc dominent la chevalerie chrétienne et militaire du Nord. C'est dans ce pays accueillant où l'on se permettait de juger les questions de galanterie que la doctrine cathare stricte par son refus absolu des plaisirs prend une grande ampleur.
Cette évolution inquiète l'église romaine et s'attire la colère du roi.
Tout comme celle des Manichéens et avant eux les Mazdéens avant Zoroastre la doctrine cathare est fonda­mentalement une doctrine solaire. A ces néo- Manichéens du XIIe siècle on a donné le nom de cathare venu du grec cataris qui signifie PUR.

LEURS RITES ET MOEURS.

Correspondant aux diverses catégories d'âmes phé­nomènes de la néantise lors de la tragique fragmentation de l'homme terrestre, une hiérarchie et des degrés d'ini­tiation existaient chez les Cathares.
Au degré inférieur, les initiés s'appelaient croyants mais n'étaient pas (comme prétendu) méprisés des par­faits. Toutefois ils devaient pratiquer le mell horer (génu­flexion) chaque fois qu'ils recevaient ou rencontraient un parfait, mais ce n'était qu'une marque de respect.
Chaque croyant devenait cathécumène à condition de pratiquer le temps requis d'ascèse (perfectionnement spirituel). Sa conscience le laissant libre s'il se jugeait incapable.

Pour les « croyants » le catharisme admettait l'union libre et en tout cas la séparation, les noces spirituelles leur semblant tenir lieu de seuls liens véritables. Les Cathares refusaient à la cérémonie du mariage la dignité de sacrement. Ils reconnaissaient à la femme une influence dans la montée vers Dieu, surtout par l'amour Platonicien. Ils affirmaient que seules les vies successi­ves qui leur étaient proposées leur permettraient de se délivrer de l'amour charnel pour accéder à l'amour vrai.

LE CONSOLAMENT, LA CEREMONIE CONSOLAMENTUM.
C'était une cérémonie fort simple. Ainsi, à ces céré­monies, offices du matin et du soir, le Pater était récité plusieurs fois puis suivaient les premiers versets de l' Evangile de Jean « Au commencement était le verbe... », plus un acte d'admiration du Père, du Fils et du Saint Esprit suivis de commentaires du même Evangile.
Les « croyants » pouvaient participer à « l'appare lahment » ou mise au point. Confession publique pareille à celle des premiers chrétiens avec la même idée de puri­fication réciproque « Caritas » des mœurs et des tempé­raments.

Les Parfaits ou « Bons-hommes » déclaraient toujours les «croyants» absous au nom de l'Esprit Saint, mais la pénitence, surtout éducative, consistait en un ou plusieurs jours de jeûne. Cette cérémonie se terminait par le baiser de paix transmis à la ronde.'
Les « bons-hommes » acceptaient volontiers les « croyants » à leur repas frugal (agapa des premiers chrétiens).
Le Jeudi Saint, et à certaines fêtes, du pain consa­cré était distribué que les « croyants » gardaient comme pain rompu par le Christ au milieu des apôtres. Ils en mangeaient des miettes de temps en temps.
Cérémonie toute simple, le consolamentum était d'abord donné à un « croyant » qui voulait entrer dans la catégorie des « Parfaits », le postulant avait été au préa­lable averti par la pratique de « l'astencia » (abstinence) suite de jeûnes longs et durs. C'est le catharsis, comme l'appelait l'officiant.
La cérémonie du consolamentum se déroulait de préférence sur des sommets (Montségur, Lastours...), car il était possible au Paraclet (Esprit Divin) de repérer avec une étonnante précision les positions principales de l'âme du croyant par rapport aux positions du soleil (ali­gnements du château de Montségur par rapport au soleil levant en fonction du solstice d'hiver).
Le consolamentum était aussi donné dans des grot­tes aux mourants ou sur leur demande à ceux qui se trouvaient en danger de mort.
Lorsque le postulant était prêt il comparaissait devant la communauté qui décidait par vote qu'il était assez « solide » pour entrer dans le chapitre. S'il était marié, il devait d'abord présenter un écrit de son conjoint le déliant de ses engagements conjugaux. On lui faisait promettre que désormais il ne mangerait plus ni de viande, ni d'œufs, ni de fromage, ni aucune autre nourriture à l'exception de mets végétaux préparés à l'huile et au poisson (texte d'obligation d'appliquer les commandements de la pureté « Promets qu'à l'avenir tu ne mangeras aucune substance qui ne soit végétale ou aquatique que tu mentiras point, que tu ne jugeras pas, que tu ne commettras pas d'impuretés, que tu n'iras pas seul quand tu pourras avoir un compagnon que tu n'abandonneras pas ta joie par crainte de l'eau ou de tout autre supplice ».
Ces promesses faites le candidat récitait le Pater ou Oraison sainte à la façon des hérétiques.
Ensuite suivait l'imposition des mains et l'on mettait le livre des Evangiles sur la tête du postulant après quoi on lui donnait l'accolade et faisait la génuflexion devant lui.
Le rituel de Lyon nous apprend que les membres de la communauté fléchissaient le genou à tour de rôle devant le nouveau parfait. On avance que le parfait ainsi reçu pouvait acquérir « l'union transformante » distincte des illusions faussement mystiques par une pénétration définitive, un calme et une sérénité jamais interrompus.
Le consolé recevait le symbole de cette vie nouvelle avec son costume qui ne se distinguait que par la coif­fure, sorte de béret, et par la couleur noire, symbole du monde dont il faut se défendre en attendant de recevoir l'uniforme de la lumière. Il portait aussi une large cein­ture contenant un rouleau de parchemin, les versets essentiels de l' Evangile de Jean.
Avant les grandes fêtes de l'année : Pâques, Pente­côte et Noël, trois jeûnes de quarante jours étaient obli­gatoires. Le reste du temps chasteté et régime végéta­rien.
Comme les Cathares savaient remplir leurs devoirs à l'égard de Dieu comme à l'égard des hommes, ils furent respectés et aimés par les populations et les seigneurs du Midi de la France.
Les étapes de la pureté étaient pour eux plus lon­gues et plus sévères que celles des religieux catholiques et d'aucuns ont pu prétendre que les diverses phases de cette purification étaient des suicides collectifs, c'est que leurs initiations portaient précisément sur les néces­sités des vies terrestres.

LA CROISADE DES ALBIGEOIS.

Pour comprendre le drame cathare il faut tenir compte de deux données principales : l'époque et les lieux.
Durant le Moyen-Age, les hommes cherchent la voie du progrès et pour parvenir à leurs fins ils ne recu­lent devant aucun procédé, fusse le recours à la violence face à une population enlisée dans ses habitudes, étouf­fée sans une chappe de conventions et hostile au chan­gement. Ainsi débute l'un des plus grands génocides de l'histoire qui fit plus d'un million de morts en l'espace de trois siècles.
Le pape Calixte II fit les frais de la première rebuf­fade lors d'un voyage à Toulouse. Là il se heurta à l'hos­tilité de la population alors qu'il allait porter la « bonne parole » de l'église romaine et découragé il se contenta d'excommunier les cathares avant de regagner son palais.
Alexandre III essaiera à son tour de convaincre la population du Midi en s'assurant les services de Ray­mond V, comte de Toulouse, sans grand succès car le comte refusa d'agir.
C'est Innocent III dont le règne commença en 1158 qui va organiser la tuerie qui ravagea le Languedoc. Ce pape voudra parlementer mais toutes ses démarches resteront vaines. Il excommunie Raymond VI et profite de l'assassinat du légat Pierre de Castelnau le 15 janvier 1208, pour engager son action répressive.
L'attitude des seigneurs du Pays d'Oc irrite Inno­cent III qui juge leur passivité comme une attitude favo­rable aux Cathares. La force lui semble alors être la seule solution de convaincre.
Consulté, le roi Philippe-Auguste se montre hési­tant à l'idée d'une campagne contre les Etats du Comte de Toulouse. Il écrit au pape «J'ai deux grands lions
attachés à mes flancs, le soi-disant empereur Othon et Jean le roi d'Angleterre », cependant, harcelé par les sollicitations du pape, il autorise ses barons à s'enrôler sous la bannière du légat.
Dès cet acte, la France du Nord se heurtera à celle du Midi dans une guerre dont la violence ne cède qu'à la passion.
C'est la croisade des Albigeois !

Jean Bayssette  Article paru en mai 1978 dans le bulletin municipal de Villegailhenc